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Le camp militaire de « Sissonne »

 

1918 Combats de Sissonne

1916 : La ligne Hindenburg :

Dès le mois de septembre 1916, les allemands étudient, entre Lille et Metz, une nouvelle position d'ensemble, dont le développement n'aura plus que 130 kilomètres au lieu de 200. Ils comptent utiliser ce raccourcissement de leur front pour un meilleur groupement de leurs forces et une augmentation de leurs réserves. Cette nouvelle partie du front portera le nom de Ligne Hindenburg et sera essentiellement composée des éléments ci-après :
- 1. Position Siegfried, établie sur un front jalonné par Arras, Saint-Quentin, La Fère, Vailly-sur-Aisne
- 2. Position Saint-Michel, jalonnée par Ornes, Etain, Arnaville.
D'autres positions de repli avaient été prévues.
-a. Au nord-est de Laon, entre la Serre et Rethel passant par Sissonne (position Hunding).
-b. Au nord de l'Aisne, de Rethel à Vouziers (position Brunehilde).
-c. Entre Dun et Spincourt (position Kriemhilde).
La décision prise par le haut commandement allemand fut mise à exécution sans retard : les travaux durèrent environ six mois, s'échelonnent ainsi de septembre 1916 à mars 1917.

1917 :

La ligne Hunding-Stellung s'inscrit dans un important dispositif qui se compose en réalité de quatre lignes. La position terminale de la Hunding-Stellung fera le malheur des villages de Sissonne et La Selve.


Sources : la guerre racontée par nos généraux, commandant de groupes d\'armées, le Maréchal Fayol et général Dubail.Illustré par Lucien [jeunesse] Jonas et Ch Fourqueray. Librairie Schwarz [3 tomes] non daté mais ancien.


En théorie la Hunding est constituée de deux tranchées, une principale et derrière, une tranchée de soutien doublant la première pour endiguer une percée totale. Les tranchées ont été approfondies depuis septembre 1917, les abris sont très nombreux et presque tous bétonnés. Une centaine dans le camp, entre La Rochelle et La Selve.



Liste des tranchées et ouvrages dans le secteur Sissonne-La Selve :

Tranchées de la ceinture,
de la banlieue
du métro
des bois
de la Dobroudja
du Dniester
du cardinal
de la Rochelle
des moines.
Ouvrage : Du démon

10 octobre 1918 :

Côté allemand, après l'absence de toute attaque jusqu'au 10 octobre 1918, la direction de l'armée ramena par secteur la 7ème armée à qui appartenait la division dans la position Hunding prête depuis longtemps sur la ligne Sissonne-La Selve-Saint-Quentin. En tant qu'arrière-garde, le 20ème régiment d'infanterie avait à nouveau la mission de couvrir le retrait du reste des troupes de la division vers la nouvelle position.

11 octobre 1918 :

La position d'arrière-garde des troupes allemandes située entre la ferme Fleuricourt et La Malmaison fut montée dans la nuit du 10 au 11 octobre 1918. Le passage de la masse de la division allemande dans la position Hunding eu lieu sans incidents.

12 octobre 1918 :

Les troupes de l'arrière-garde allemande purent alors aussi évacuer leur position et en s'éloignant lentement, suivis par l'ennemi hésitant, s'installer derrière la position Hunding, où ils arrivèrent au petit matin du 14 octobre. Les commandos allemands spécialistes des explosifs étaient partout au travail. Nous ne pouvions pas laisser à l'ennemi dans ces régions que nous quittions nos installations parfaites et les précieuses réserves. Donc la ligne Laon-Roberchamp fut détruite, les camps de troupes et les hangars pour ballon tombèrent, des outils pour scier et de grandes réserves de combustibles furent réduites à néant.

13 octobre 1918 :

Le 5ème Corps d'Armée français, commandé par le Général Guillaumat, en échelon et à gauche a marché sur la ligne La Selve-Bois des Vuides-Granges.

A la pointe du jour, le 1er bataillon du 24e RI français franchit les lignes et, prend à son compte la progression en direction générale de Sissonne. De la cavalerie aide au mouvement. Des tirs de mitrailleuses au nord de la Maison-Bleue, puis aux Thuillots, arrêtent un instant la progression; mais les résistances sont réduites par débordement, et, au soir, la 1e compagnie occupe le bois bas au sud de Sissonne; la 2e compagnie la prolonge à droite dans des trous individuels. Le commandant Grammont se place au sud de la cote 109, dont la 3e compagnie occupe les pentes. La liaison est très précaire avec le 28e RI à droite; elle est assurée avec le 328e RI à gauche. Le 2e bataillon est au sud des Thuillots, et le 3e bataillon à la Maison-Bleue. Les ravitaillements sont difficiles dans une zone où l'ennemi a multiplié les destructions, des entonnoirs de mines ont remplacé tous les carrefours.
Dans la nuit du 12 au 13 octobre, le 28e RI français reçoit l'ordre d'Opération n° 324 de la 6e Division d'Infanterie qui porte reprise du mouvement en avant pour le 13 au lever du jour. A 10 heures, les compagnies de tête du Bataillon Barbaud marchent sur le bois de l'échelle. Des avions allemands ne cessent de mitrailler les premières lignes, les mitrailleuses boches sont très actives et nombreuses dans le bois de l'échelle et dans le nord de Fleuricourt. La progression est lente, un tir d'artillerie est demandé sur la côte 109 et sur la côte 120. A 11 heures le deuxième objectif est atteint, les éléments de tête sont sur les pentes de la côte 109.
L'objectif final à atteindre est la route Sissonne-La Selve. Le bataillon Barbaud, toujours en tête, trouve au bois de l'Échelle une vive résistance, qu'il réussit à vaincre, après quatre heures de rude combat, grâce aux manoeuvres débordantes habilement menées, à la ténacité et à l'élan des poilus stimulés par le succès des attaques précédentes. La compagnie Brochu se distingue spécialement dans cette lutte pied à pied.
A 17 heures 45, le Bataillon Barbaud occupe la côte 109 et la côte 120, en progressant vers le troisième objectif. Le Bataillon Pagès occupe le bois de l'échelle. Le bataillon Duchénois se porte vers la lisière sud du bois de l'échelle. A 17 heures 50, le 119e RI ayant été gêné dans sa progression par des mitrailleuses, le 28e RI reçoit l'ordre de s'établir sur la route Sissonne-La Selve, puis de dépasser cet objectif et de venir s'établir sur la route Sissonne-Lappion, face au nord-ouest. Mais cette opération ne peut se réaliser en raison...
À 19 heures, le bataillon Barbaud est arrêté à 1.500 mètres de son objectif final ; l'ennemi s'est fortement retranché, des feux de mitrailleuses très nourris et un violent barrage empêchent toute progression.

Le 119e RI reprend sa marche au petit jour : la première ligne est arrêtée par des feux de mitrailleuses devant la ferme Fleuricourt. Il faut manoeuvrer. La ferme est enlevée à 14 h. 15. Le deuxième objectif (Solféricourt) est atteint à 15 h. 29, mais nous sommes arrêtés à la tombée à la nuit par barrage d'artillerie, mitrailleuses et fusillade.
La progression du 328e RI recommence dès l'aube et successivement Sainte-Croix-Aubigny-Ramecourt et la Maison bleue tombent entre ses mains. Le soir, le bataillon avant-garde qui a progressé de 25 kilomètres borde les lisières de Sissonne. Une tentative faite pour enlever le village de Sissonne le soir même, reste vaine par suite de la violente réaction ennemie.

Un habitant de Sissonne note dans ses mémoires pour la journée du 13 octobre :

Toute la nuit, des explosions formidables m'ont tenu en éveil. Ce sont les mines posées aux carrefours des routes par les allemands qui sautent. A 9 heures du matin, la Kommandantur part, il ne reste plus aucun allemand dans le village. Distribution à la mairie de lard, graisse, café, sel, céréales pour cinq jours. Monsieur Hautavoine fait les fonctions de maire, Monsieur Froelhlicher étant resté comme otage avec Monsieur Lange Emile, Véron Nathalis. A 2 heures, nous avons la visite d'un officier italien venu en reconnaissance, toute la population le salue avec joie, il repart bientôt prévenir ses camarades que la route est libre. A 4 heures, une patrouille à cheval traverse le village aux acclamations de la foule qui offre des bouquets aux officiers, un drapeau français est arboré. Tout le monde est en joie, c'est enfin la délivrance. VIVE LA France. Les Allemands sont retranchés au Nord de Sissonne".
Ici s'arrête le témoignage qui racontera seulement en quelques lignes le retour à Sissonne le 11 novembre 1918 pour constater que sa maison a reçu deux obus dont un de 210 non éclaté heureusement.

14 octobre 1918 : Sissonne est libéré

Le matin du 14, le 20ème RI allemand se trouvait groupé ainsi : devant la position, jusqu'à la lisière de la forêt 2,5 kilomètres au sud de La Selve, les avant-postes de la division sous le commandement du Major Von Stengel, composé d'une compagnie des I et III du 20ème régiment d'infanterie et du III du 5ème régiment d'infanterie, avec chacun 2 mitrailleuses, 4 cavaliers, 10 pionniers ; s'y ajoute une section du 6. /9. FAR. Dans le secteur de la division, le régiment avait placé le sous secteur de chaque côté de La Selve, à droite le 12ème, à gauche le 15ème. L'ennemi pénétra cette fois plus vite et plus énergiquement que d'habitude. Déjà à 16 heures, on avait eu l'impression, chez le commandant de l'avant-poste du sud de La Selve, qu'une attaque ennemie allait avoir lieu. A 19 heures, la 9ème compagnie (d'avant poste) annonçait qu'elle avait subi une attaque surprise dans la partie de la forêt au sud-ouest de La Selve par des forces supérieures en nombre et qu'après de lourdes pertes, elle opérait un retrait. A la suite de cette attaque et de nombreux mouvements de recul aux avant-postes du voisin situé à droite, le commandant de l'avant-poste fut contraint d'amener ses troupes près de La Selve.

Les français arrivent devant les avancées de la Hunding-Stellung. Cette position est occupée par la VIIème armée allemande. Une proclamation de cette armée, en date du 12 octobre, parle du rôle essentiel de la VIIe armée, « clé de voûte du front occidental ». Le haut commandement allemand, tout en envisageant une retraite éventuelle sur la Meuse, veut gagner une bataille défensive, « une victoire » sur la Hunding...

Le 5ème Corps d'Armée français arrive à 1 km du signal de La Selve.

Le 2e bataillon du 24e RI français doit franchir les lignes, enlever les lisières à l'est de Sissonne et aborder la Hunding-Stellung, qui couronne les hauteurs au nord de Sissonne. Commencée dans la brume, son avance est vite enrayée par des tirs intenses de mitrailleuses. Utilisant ses armes automatiques avec beaucoup d'à-propos, il réduit petit à petit l'ennemi au silence. La section Nicolet (6e compagnie, lieutenant Mansard), appuyée par ses lance-grenades V.B, et par la section de mitrailleuses du sous-lieutenant Lesage, enlève la cote 90 et capture 28 prisonniers et 6 mitrailleuses. A droite, la section Lamourère prend 1 mitrailleuse et 4 servants. Electrisées, les sections Joyet et Royer, de la 5e compagnie; chargent à la baïonnette vers Sissonne. Les Allemands s'affolent et sont massacrés sur leurs pièces. Quatre survivants se rendent. Malheureusement il y a des pertes, dont le vaillant sergent Grégoire. La progression continue dans Sissonne, en liaison avec le 328e RI. L'ennemi s'enfuit en jetant ses caisses de cartouches et ses armes, et, à 8 heures, la 5e compagnie a atteint la route de Sissonne à La Selve, la 6e compagnie est à l'aéro-parc. Mais, à droite, la liaison n'existe plus, et à gauche, le 328e RI lutte dans Sissonne: La progression est arrêtée et un feu nourri est ouvert sur les Boches qui sortent de la ville pour prendre position à la Maison-Blanche, sur les cotes 103 et 115, où des tranchées organisées et protégées par de bons réseaux les attendent. Dans l'après-midi, des renforts sortent des bois qui couronnent la crête et viennent consolider la défense. On peut croire qu'une sérieuse contre-attaque va se produire ; mais, à 17 heures, le 2e bataillon reçoit l'ordre d'attaquer. A 17 h 30, protégées par un faible tir de barrage de nos 75, et soumises à un violent tir d'artillerie lourde ennemie, les 5e et 6e compagnies se portent en avant et atteignent la ligne du ruisseau. Le sous-lieutenant Loursel trouve une mort glorieuse au cours de cette action. Les pertes sont de 35 hommes, dont 11 tués.

Le 28e RI français reçoit l'ordre général n° 326 : direction nord-est sur Dizy-le-Gros et Le Thuel. Le bataillon Fagès, en soutien, reçoit l'ordre de prolonger la ligne à l'est en prenant comme objectifs le Petit-Simon-le-Grand et le bois des Vuides-Granges. Le mouvement commence avant le lever du jour; la cote 120 est enlevée rapidement, la progression devient ensuite pénible à cause des feux boches qui prennent le bataillon de face et sur son flanc gauche. A 8 heures le bataillon 1 Fagès est en marche vers l'objectif bois des Vuides-Granges, le bataillon 2 Barbaud derrière le bataillon Fagès à 1500 mètres, le bataillon 3 Duchénois au bois de l'Echelle et le Poste de Commandement du Colonel à la sortie nord du bois de l'Echelle. La journée est employée à des tentatives de progression rendues très pénibles par les tirs d'artillerie ennemie. A 11 heures 30, les compagnies de tête du bataillon Fagès sont arrivées dans la région comprise entre le petit Simon le Grand au nord, le buisson Riquette à l'ouest, la garenne du Buisson au sud et la Folie à l'est. La ligne de résistance semble être dans la tranchée de la Dobroudja, défendue par de nombreuses mitrailleuses et de l'artillerie. L'ennemi bombarde et interdit tout mouvement. A 17 heures 15, la situation est inchangée.

Au soir du 14, le 82e RI devient avant-garde de la division ; il va livrer une série de combats dans le camp de Sissonne. Les deux bataillons à la tête du régiment (2" bataillon à droite, 3" bataillon à gauche) passent la nuit du 14 au 15, avec leurs éléments avancés, sur la ligne cote 104-cote 107.

Le 119e RI recommence l'attaque à 6 h. 35. Il rencontre une résistance sérieuse , l'ennemi occupant une position bien organisée. La marche est retardée par de nombreux traquenards et embûches tendus dans le bois et qu'il faut déjouer.

Après un très violent combat corps à corps, le 328e RI français entre à Sissonne le 14 octobre, capturant un matériel considérable et des prisonniers.

Du 15 octobre au 4 novembre 1918 :

Les troupes françaises tentent à plusieurs reprises l'assaut de la ligne Hunding-Stellung qui résiste.

19 octobre 1918 :


Dans la nuit du 4 au 5 novembre :

Le 20e RI allemand quitte volontairement et sans être dérangé par l'ennemi la position Hunding. Le régiment n'avait aucune raison de partir la tête basse. La dernière action près de La Selve avait été un coup puissant. Au départ sans combat de la position Hunding succéda un mouvement important de retrait jusqu'à la Meuse. Là, il était prévu de résister assez longtemps dans la position Anvers - Meuse. Mais on n'en arriva pas au front de défense fermé. Tout en menant de petits combats d'arrière-garde, tantôt éloignés, tantôt plus rapprochés de l'ennemi, les colonnes allemandes se rapprochaient de la frontière franco-belge.

5 novembre 1918 :

A 7 h 25, le 28e RI effectue une reconnaissance effectuée sur les positions ennemies les trouve abandonnées. La marche en avant est reprise aussitôt. A 13 heures, le bataillon Bodard est devant Dizy-le-Gros, où tombent encore les obus boches.

A notre gauche, la division italienne, partie de Sissonne, avait progressé. Elle entrait en liaison, en avant de Dizy-le-Gros, avec le Ve corps qui opérait à notre droite.

Le 119e relève dans la nuit du 4 au 5 novembre le 24e régiment d'infanterie à Sissonne. Dès le matin du 5, le commandement annonçait le repli de l'ennemi et la poursuite commençait sans rencontrer grande résistance.

Des indices permettant de supposer que l'ennemi se prépare à la retraite, étant signalés, l'attaque du 328e RI français est reprise. Elle réussit pleinement et à 5 heures 30, nous sommes maîtres de tout le système défensif de la «Hunding-Stellung». Talonnant l'ennemi, le bataillon d'avant-garde enlève successivement la ferme de Montigny-la-Cour, la sucrerie, puis après un vif combat la ferme Beaumont où sont enfermés 500 civils.



11 novembre 1918 :

C'est la fin des combats.

L'armistice dans les tranchées

C'est maintenant l'heure des constats.


 

Un voyage dans l'Histoire de Sissonne au début du siècle dernier

Voir le montage présenté par les élèves de 3ème D (classe défense) du collège, illustrant les dégats occasionnés par les bombardements d'octobre 1918.

16 octobre 2011 : Sur les traces de leur ancêtre.

Le 16 octobre 2011, un petit groupe composé d'amateurs d'histoire locale et de descendants des poilus qui ont vécus cette période, a eu la chance de pouvoir visiter le camp de Sissonne, sur les lieux mêmes des combats.
Cette journée était organisée par Jean-François Martin, passionné par l'histoire de Sissonne et de La Selve.
Le but de ce pélerinage était de suivre chronologiquement les combats des 28e et 119e RI d'octobre 1918.

Voir ICI le résumé de cette sortie en photos.


 

 

Recherches : JF MARTIN

Mise en page : Marc BERRIOT - PH

 


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© Site du Club Informatique Ademir. Dernière modification le 24/04/2020 à 19:53