Par F** L***.
Président du conseil de fabrique
1894.
Faire connaître son église
C'est la rendre intéressante
Signé : Laurent
Introduction.
Notre Eglise est essentiellement liée à l'histoire du pays. C'est le premier monument qui atteste de la foi de nos pères. Elle a traversé les âges que leur ont imprimés à chaque évolution les signes caractéristiques des temps , soit par des restaurations en des jours de faveur, soit par des mutilations en des époques troublées. Et quand les générations sont venues successivement reposer à l'ombre de son clocher. Elle subsiste toujours comme le témoignage irrécusable de l'indestructibilité de notre sainte religion.
Elle s'associe aux différentes phases de notre vie privée, nous reçoit à l'entrée comme à la sortie de ce monde, et nous ouvre ses pouvoirs pour les actes solennels de notre existence.
Mais si au point de vue de l'histoire, elle a ses légendes et ses souvenirs, on ne peut la négliger sous le rapport des arts. Sans doute nous n'avons pas ici à retracer et à décrire ses meilleures architectures qu'étaient les somptueuses cathédrales de nos villes, mais il n'est guère d'église, même les plus modestes, qui ne présentent quelqu'objet digne d'intérêts, une pierre que le sculpteur a fouillé, une toile qui dans son obscurité ne révèle le pinceau de l'artiste.
Aussi ai-je cru intéressant de résumer en classant dans l'ordre chronologique les différents faits ayant trait à notre église ou s'y rapportant et qu'ont pu me révéler les documents que j'ai dû consulter. En évitant ainsi les écarts de l'imagination, je pense avoir conservé à ce modeste travail le caractère d'une réelle authenticité.
Sissonne le 10 octobre 1893.
Premier chapitre : du IXème au XVème siècle.
L'Eglise primitive.
L'origine de la petite ville de Sissonne est incertaine, mais elle paraît remonter à une époque fort éloignée. Bien qu'aucun vestige de la présence des Romains n'ait été trouvé sur l'emplacement même de Sissonne, il est néanmoins positif que ces anciens conquérants des Gaules ont eu des établissements dans cette localité .(extrait du mémorial de Siss.)
De 790 à 804.
Quelques historiens et chroniqueurs s'accordent à dire que Sissonne fut fondé par une colonie de Saxons que l'empereur Charlemagne y transporta soit en 796 soit en 804 pour cultiver les plaines désertes de ce canton, lorsque ce monarque jugea que le meilleur moyen de pacifier le pays qu'il venait de conquérir (sur les bords de l'Elbe) était de dépeupler et d'envoyer ses habitants les plus valides dans les provinces du nord de la Gaule (selon Menneville de Laon).
De 804 à 1100.
Séduit sans doute par la limpidité des eaux de ses sources, et la fertilité des terrains qui les entourent, une des caravanes s'arrêta à l'endroit qui porte encore aujourd'hui le nom de Vieille ville et y fondit une colonie qui dut prendre avec le temps un développement assez important à en juger par les nombreuses fondations que l'on découvre encore à cet endroit. Dans les chartes les plus anciennes, dit Menneville, ce village est désigné par différents noms : Suessona, Sessona, Suessonia, Sissonnia, Syssonne. On y ajoutait souvent la désignation caractéristique de villa Teutonia (Village allemand). Nous ne saurions dire si cette bourgade possédait une église, mais l'existence très ancienne d'un cimetière chrétien sur cet emplacement porte à croire que la foi avait déjà pénétré dans nos contrées. Une simple croix de bois (de fer?) et le seul indice qui de nos jours en indique la place.
Cependant à 1500 mètres à l'ouest sur un îlot de terre ferme qu'entourent les bras de la Souche, existait déjà un château-fort dont les fouilles récentes ont révélé l'importance. Or à cette époque où les étrangers du nord et plus encore les Seigneurs guerroyaient entre eux, il était assez naturel pour les populations rurales de chercher à s'abriter aux flancs d'une forteresse qui pouvait les défendre ou les protéger. Un nouveau village (Nueva villa) s'éleva donc dans l'angle où la Souche prend définitivement son cours vers les marais sur un plan préconçu. C'était un parallélogramme à peu près régulier, défendu au midi par la rivière et le château, et au nord par de larges fossés soutirant les eaux de la Souche et flanqués de 7 tourelles. L'accès en était fermé par 4 portes dont la dernière fut démolie en 1717 (note de M. Manteau de Laon).
Le Seigneur du lieu qui était alors un franc-alleuTerre héréditaire libre et franche de toute redevance., relevant du Roi de France, concourait à l'accroissement du nouveau village, en concédant les terrains nécessaires aux émigrants de l'ancien village. Aussi le nouveau village prit bientôt une importance suffisante pour sentir le besoin de construire une église.
Si l'on eut consulté seulement la commodité des habitants, il est certain que l'emplacement du petit édifice était naturellement indiqué au centre même de la rue de la grande Roise, dont l'extrême largeur pouvait laisser encore de chaque côté une chaussée pour la circulation. Mais des raisons qui pourraient nous paraître aujourd'hui erronées primaient alors toute considération. L'église à l'instar du château servait de point de défense, et en cas d'attaque de lieu de refuge pour les habitants, dont les plus valides du haut du clocher pouvaient se défendre avec moins de danger.
Cette primitive église devait se composer d'un carré long d'à peu près les deux tiers de celle actuelle, sans transept se terminant à plat à son chevet. Dépourvu de tout ornement elle présentait le caractère transitoire de l'époque. Le roman perdait de sa pureté avec la fin du onzième siècle, pour inaugurer le style ogival qui fit tant merveille dans le courant du douzième. Aussi avons-nous remarqué dans la partie du vieil édifice conservée jusqu'à nos jours, l'ogive surbaissée de ses baies reposant sur des piliers massifs et carrés, s'allier aux arcades en plain cintre. D'après certains archéologues les églises de ce genre et de cette époque n'étaient guère voûtées que dans leur abside, c'est ce qui explique peut-être que celle-ci ne l'a jamais été. Son portail encadré entre deux contre-portes n'offrait pour toute sculpture que quelques arceaux sans grâce demi-orgivals reposant sur des colonnettes de même hauteur que leurs stylobatesBase d'une colonne. Soubassement portant un rang de colonnes ou de pilastres.
Quant à son clocher, serait-ce celui qui fut démoli en 1718 et dont parle Monsieur Manteau dans ses notes sur Sissonne ? Nous ne le supposons pas. Quoiqu'il en soit si l'église a dû souffrir au treizième siècle de l'occupation espagnole et anglaise, elle n'a subi de changement appréciable que dans le cours du seizième.
Nous profiterons de ce laps de temps pour relater suivant l'ordre des dates les principaux faits qui s'y rattachent, lesquels sans être bien importants ne laisseront pas que d'intéresser.
Guillaume de Sissonne et sa femme Ermangarde donnent à l'église St-michel, entre autres choses, le droit de percevoir 4 deniers à la mort de chaque bourgeois du village nouveau qui devront être payés pendant la cérémonie et sur le lieu même de la sépulture par la femme ou l'héritier du défunt aux religieux de St-Michel qui demeurent à l'ancien village ou à son serviteur ( apud veteram villam).
1192.
Son fils Gérard de Sissonne, chevalier, donne à la maison de l'église St michel qui est à Sissonne quatre gallois de grains de rente annuelle, deux de seigle et deux d'avoine à prendre sur le terrage Droit qu'avaient certains seigneurs de prélever des produits de la terre qui était de leur domaine. Source Wikipedia du village allemand (Thetonica villa).(Petit cartulaire de l'évêché de Laon).
Il est peut-être utile de faire remarquer que dans ce temps les abbayes avaient seules droit de stipuler, recevoir des redevances ou privilège pour les églises de leur dépendance, à la charge par elles d'en satisfaire les conditions. Elles étaient comme les dispensatrices des revenus temporels, chargées de pourvoir à l'entretien des autels comme à la subsistance de la cure.
1223.
Milon, seigneur de Sissonne, met sa terre en vente ; elle est achetée par Enguerrant III sire de Coucy malgré l'évêque de Laon qui l'excommunie.
1225.
Cependant deux ans après, Enguerrant reconnaît tenir en fief de Hincelin de Laon la seigneurie qu'il a acheté de Milon.
1227.
En cette année le même seigneur ayant adressé au roi St-Louis et à la reine Blanche une lettre par laquelle il demande à être reçu à l'hommage de Sissonne, revend sa terre à Jean II de Pierrepont comte de Roucy dont les descendants, comme nous allons le voir, contribuèrent à la restauration de l'église.
1498.
Parmi les cinq enfants de Louis de Roucy, nous remarquons Charles de Roucy qui devint évêque de Soissons.(Mémorial de Sissonne).