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Les sites et monuments remarqués dans « Sissonne »

Le Monument dit de 1870

Séance du conseil municipal du 20 novembre 1887

Monsieur le Maire donne lecture d'une pétition signée de 28 jeunes gens de cette commune récemment revenus du service militaire ou sur le point d'être appelés sous les drapeaux et par laquelle, à l'occasion du décès d'un de leurs camarades ; Courtefois Victor Augustin, décédé le 16 7bre dernier à l'hôpital de Tourane (Annam), ils sollicitent de l'Administration municipale un terrain dans le cimetière pour y ériger un monument à la mémoire des jeunes soldats de Sissonne morts au service de la Patrie.

Le Conseil municipal, à l'unanimité, voulant prouver aux jeunes pétitionnaires toute le sympathique intéret qu'il attache à l'œuvre dont ils prennent l'initiative, décide qu'un terrain de quatre mètres de côté sera réservé dans le cimetière pour l'emplacement du monument. Il déclare en outre voter une somme de trois cents francs au titre de subvention pour aider à la souscription qui doit être faite dans la commune, en vue de couvrir les dépenses.

Le Conseil charge M. le Maire d'annoncer à M. ErmantProbablement Georges Ermant architecte, qui deviendra maire de Laon en 1892, l'architecte qu'il accepte son offre généreuse et de lui transmettre ses sincères remerciements.

Le Conseil se réserve l'entière direction de cette œuvre, à la fois patriotique et religieuse, et déterminera ultérieurement le jour de l'inauguration de Monument, et la solennité qu'il entend donner à cette cérémonie.

Séance du conseil municipal du 22 avril 1888

M. le Maire rappelle à l'assemblée que par délibération du 20 novembre 1887 il a été décidé qu'un monument serait élevé dans le Cimetière à la Mémoire des soldats de Sissonne, morts sous les drapeaux, qu'une concession de terrain de 4 m de côté serait affectée à cette destination, et qu'une allocation municipale de 300f serait ajoutée au produit d'une souscription, en vue de cette érection, et à laquelle tous les habitants de Sissonne seraient invités à prendre part.

M. le Maire ajoute que la souscription a atteint le chiffre de 120f, qu'avec l'allocation municipale sus rappelée, forme un total de 1500f. Mais ce chiffre est insuffisant, quoique M. Ermant, architecte à Laon ait gratuitement dressé le plan et surveillé l'exécution de ce monument, la dépense totale s'élèvera à 1800f. D'où un manque de ressources de 300f. Il invite le Conseil à délibérer sur le moyen de couvrir la dépense.

Le Conseil, voulant répondre au juste désir de la population entière pour honorer les enfants du pays morts au service de la Patrie, et considérant que l'allocattion votée, en 9bre dernier, n'a pu être employée avant la clôture de l'exercice - Décide qu'il y a lieu de l'inscrire de nouveau au budget de 1888, et il vote en outre à la même fin une allocation complémentaire de pareille somme, soitsix cent fr qui seront prélevés sur les fonds libres à la Caisse municipale pouraide au pareinement des frais du monument.

M. le Maire annonce à l'assemblée que la bénédiction et l'inauguration de ce monument auront lieu dimanche prochain 22 courant à 2 heures et demie de relevée.

Le Conseil, sachant avec quel zèle et quel fruit M. le Maire s'est chargé de recueillir en personne, les fonds de la souscription, quelle peine il s'est imposée pour accroître la liste des souscripteurs et arriver à réaliser cette œuvre patriotique,
Se fait une douce obligation d'exprimer à M. Leleu, au nom des habitants et au sien, sa vive et profonde reconnaissance et veut, pour en perpétuer le souvenir,que ses remerciements soient inscrits au Registre de ses délibérations.

Il décide en outre qu'une adresse sera remise à M. Ermant, architecte, comme témoignage de sa gratitude pour sa délicate générosité.

Le monument aux morts de 1870Dans le cimetière

Inauguration d'un Momument commémoratif (1888).

Source : Archives de l'Evêché de Soissons, La Semaine religieuse, 1888
                et Le Journal de l'Aisne édition Saint-Quentin du 27 avril 1888

Dans l'après-midi du 22 avril, a eu lieu l'inauguration solennelle du monument érigé, dans le cimetière de Sissonne, à la mémoire des enfants de cette commune morts pour la patrie.

Tous les habitants, après avoir avec un généreux empressement concouru par leurs offrandes à l'érection de ce monument, avaient tenu à honneur et regardé comme un devoir d'assister à cette pieuse cérémonie. Le drapeau national flottait à la façade d'un grand nombre de maisons.
Vers trois heures, le cortège officiel se formait devant l'Hôtel de Ville. On remarquait parmi les notabilités qui le composaient :
M. Sébline, sénateur, conseiller général du canton de Sissonne ; M. Moreau de Fay, conseiller d'arondissement ; M. Leleu, Maire de Sissonne ; M. Turpin-Guyot, adjoint ; M. de Florival, juge au tribunal de première instance de Laon : M. Carlier, jude de paix ; M. Thiéry, percepteur ; M. Desjardin, notaire honoraire ; les membres du Conseil municipal.

Le cortège, précédée de l'excellente fanfare de Sissonne dirigée par M. Lannois fils et escorté par la belle compagnie de sapeurs-pompiers volontaires, s'est rendu directement au cimetière au milieu duquel le monument en question a été érigé.
Ce monument en question, d'une hauteur d'environ trois mètres, représente une tour féodale. Il est orné de cartouches et d'attributs appropriés et porte cette légende :
"Sissonne à ses enfants morts pour la Patrie".
Les dix noms suivants sont gravés sur la pierre (sur le côté droit du monument) :

Le nom de l'entrepreneur : D DEYRIEUsur le côté droit du socle
Le nom de l'architecte :  : G ERMANTsur le côté gauche du socle

Le discours de l'honorable M. Sébline a fait d'ailleurs ressortir les titres de chacun de ces héros obscurs à la reconnaissance et au souvenir de leurs concitoyens.

Une estrade avait été otéparée pour M. le sénateur Sébine qui présidait la cérémonie ; des sapins et des drapeaux formaient autour du monument une vaste enceinte, insuffisante cependant à contenir la nombreuse assistance.
C'est devant cette foule d'auditeurs profondément recueillie, après les prières liturgiques et la bénédiction du mausolée par M. le chanoine Romain, curée-doyen de Sissonne, que M. Sébine prononce, avec une émotion qui a gagné tous les cœurs et qui a fait répendre bien des larmes, le remarquable et patriotique discours dont nous donnons ci-après le texte intégral :

 

Le monument aux morts de 1870Dans le cimetière

Discours de M. le sénateur Sébine

J'ai à cœur de remercier M. le Maire de Sissonne de m'avoir associé à la pieuse et patriotique cérémonie qui nous réunit dans cette funèbre enceinte.

Qu'il me permette de le lui dire, l'heureuse initiative qu'il a prise et que la commune entière, que le canton lui-même ont accueillie avec tant de faveur, de rendre avec un suprême et solennel hommage aux enfants de Sissonne morts pour la Patrie, cette initiative couronne dignement sa paternelle et féconde administration.

L'esprit de dévouement et d'oubli de soi-même, le devoir noblement accompli, l'abnégation poussée jusqu'au sacrifice de la vie, trouvent ici leur glorification et c'est de ces grands sentiments que s'est inspiré l'artiste délicat qui a élévé ce monument à la mémoire de vos enfants.

Ils sont tombés pour la défense et la grandeur de la Patrie, ces héros obscurs dont nous honorons aujoud'hui la mémoire

Les uns ont trouvé sur le champ de bataille une mort glorieuse comme Baudvin, tué à Champigny, dans cette héroïque sortie, qui fut le suprême effort de Paris assiégé.

Qui de nous n'a encore présente à la mémoire cette lamentable catastrophe qui ensevelit sous les ruines de la citadelle de Laon tant d'enfants de ce département ? C'est là que périt Varoqueaux.

D'autres, comme Journa et Mahieux, n'échapèrent aux balles ennemies que pour mourir dans un lit d'hôpital. Eux au moins eurent la consolation de recevoir les tendres soins de leurs compatriotes, de ces saintes filles dont le dévouement est légendaire et dont l'esprit de secte a seul pu méconnaître les services. Journa et Mahieux reposent en terre française.

Mais Pourrier, Berriot connurent les angoisses de la captivité après les amertumes de la défaite et dorment en terre allemande leur dernier et glorieux sommeil.

Carlier a été dévoré par cette terre d'Afrique où tant de bataillons se sont ensevelis pour arracher à la piraterie et rendre à la civilisation ces côtes babaresques devenues comme une nouvelle France au-delà de la Méditérannée.

L'extrême-Orient, l'Annam garde les cendres de Courtefois tombé dans ces lointaines contrées pour l'accomplissement de la mission civilasitrice de la France, de cette mission qui envoyait, il y a plusieurs siècles, aux croisades les ancêtres de l'illustre patriote dont ce canton pleure encore la perte, de cette mission qui se continue à travers les siècles, comme l'œuvre de Dieu même, si bien définie par nos pères, Gesta Dei per Francos.

Evoquer ces douloureux, mais fortifiants souvenirs, ce n'est pas seulement rendre aux vaillants fils de Sissonne un suprême hommage, c'est encore faire revivre notre histoire contemporaine avec toutes ses viscissitudes.

Il n'est pas, en effet, de guerre soutenue par la France depuis vingt ans, où le sang des enfants de Sissonne n'ait coulé. Votre vieille cité a largement payé sa dette à la Patrie.

Aussi le même élan qui portait sa population tout entière à souscrire pour l'érection de ce monument, la réunit-il aujourd'hui sous les voûtes de votre vieille église, trop petite pour contenir l'assistance recueillie et profondément émue qui se presse autour de ce monument. Vous avez tous compris qu'une semblable solennité serait incomplète, quelle serait dépourvue de sanction morale, si elle n'éveillait pas dans les âmes la pensée de l'immortalité. Ceux qui sont morts pour la Patrie revivent, c'est notre espoir et notre consolation dans un monde ou toutes les vertus, et la plus noble de toutes, celle qui commande le sacrifice de la vie, trouvent leur récompense.

Qui rendra la suprême pensée de ces jeunes hommes moissonnés à la fleur de l'âge ? Leurs yeux, avant de se fermer pour toujours à la lumière, ne se sont-ils pas tournés une dernière fois vers ce clocher dont l'airain sonna joyeusement leur naissance, vers ce foyer domestique dont ils étaient l'espérance et la joie et que leur mort allait plonger dans un irréparable deuil ? Quelle plus consolante pensée que l'espoir de la réunion par delà le tombeau a pu fortifier leur courage et adoucir l'amertume de leurs derniers moments ? Vous avez eu raison d'affirmer cette croyance dans cette solennité.

Dieu me garde au surplus d'introduire au sein de cette touchante cérémonie les préoccupations qui nous divisent : Je ne cèderai pas à la tentation de porter un jugement sur les événements qui vous ont enlevé vos fils. Ce serait d'un petit esprit et d'un petit cœur.

La politique qui n'est autre chose que l'histoire en action, nous ressaisira demain, nous ramènera dans l'arène où luttent les partis et nous fera porter sur les événements contemporains les jugements les plus divers et les plus contradictoires.

L'histoire viendra plus tard et fera un jour le partage des responsabilités.

Pour aujourd'hui, sachant imposer silence à nos passions, et bornons-nous à tirer l'exemple des morts dont nous honorons la mémoire, un grand et patriotique enseignement.

Au dessus de nos divisions, de nos querelles, il y a la France dont le glorieux passé est pour nous le plus noble héritage.

Que de fois, dans le cours de son orageuse histoire, n'a-t-elle pas connu les viscissitudes les plus diverses de la fortune ! On l'a vue soudain précipitée du faite de la prospérité et de la grandeur dans un abîme de misères et de maux.

Et c'est au moment ou elle paraissait la plue abattue, qu'on l'a vue, par un de ces élans dont elle est coutumière, se relever et reprendre dans le concert des nations la grande place qui lui appartient.

Qui eût pu entrevoir, au milieu des hontes et des humiliations de la guerre de Cant-Ans, cette délivrance en quelque sorte miraculeuse opérée par l'héroîque Jeanne d'Arc, dont Reims, après Orléans et après Rouen, s'apprête à glorifier le souvenir ?

Qui pouvait prévoir que des déchirements de la Ligue et des fureurs de la guerre de religion sortirait le règne réparateur de Henri IV, et des troubles de la Fronde, le grand règne de Louis XIV ?

Les dégfaillance et les désordres du règne de Louis XV, ne sont-ils pas suivis de la glorieuse épopée de la Répblique et de l'Empire ?

Ne nous laissons donc pas aller au découragement. Certe nous avons traversé des heures cruelles. Nous avons connu de profondes angoisses patriotiques. Nous avons vu le sol de la Patrie foulé par l'étranger, ses plus belles, ses plus fertiles provinces violemment arrachées de son sein. La blessure est encore saignante comme au premier jour.

L'heure présente, elle-même, n'est exempte ni de difficultés ni de périls. En même temps qu'on s'attaque aux fondements de tout ordre social et que la sociéte issue de la Révolution Française de 1789 est sapée dans sa base, les garanties constitutionnelles et les libertés publiques sont l'objet d'un rude assaut. L'Europe entière est troublée, inquiète, et semble se recueillir dans la veillée des armes.

Et cependant, nous gardons au cœur une invincible espérance. Les yeux tournés vers le passé de notre France, témoins de ses grandeurs et de ses chutes, de ses revers et de ses relèvements, nous espérons.

Nous espérons, confiants dans le patriotisme de ses fils qui, à l'ecemple de ceux dont nous honorons la mémoire, sauront mourir pour elle.

Nous espérons, nous inspirant de cette forte pensée d'un grand historine qui s'applique si bien aux événement qui de déroulent sous nos yeux et par laquelle je termine cette trop longue allocution :

" L'histoire qui abat les prétentions impatientes soutient les longues espérences. "

Cérémonie du 14 juillet 1904Source Paulette Legros

Le cortège officiel s'est ensuite rendu à l'église pour entendre les prières des morts et assister au salut solennel. Là M. le doyen de Sissonne a prononcé une allocution toute vibrante des sentiments les plus élevés, et a célébré dans un brillant langage l'accord si nécessaire, si fécond et si heureusement réalisé, cette fois encore, du patriotisme et de la religion catholique.

Pour nous résumer, toutes les personnes, soit de Sissonne, soit des environs de cette ville, qui assistaient à cette cérémonie funèbre, en ont emporté les plus fortifiantes impressions et les plus consolants souvenirs.

une cité s'honore quand elle conserve, par un monument durable, le souvenir de ses enfants qui ont héroïquement défendu et glorieusement servi la patrie française.

Et depuis...

Le monument du cimetière en 2006
Une cellule carrée creusée à la base de la tour, semble abriter une croix.Ceci n'existe pas encore sur les cartes postales d'avant 1913
Le monument du cimetière,en cours de restauration par les employés de la commune (2007),
D'autres vues ici

D'autre noms sont présents sur le monument

Le monument à coûté la somme de 1800 Francs (1200 F recueillis par souscription publique + 600 F par subvention communale)

Le monument en 2025déjà patiné depuis sa dernière restauration en 2007

Depuis les années 1950-1960, une plaque est apposée sur le socle du monument:

LES SAPEURS POMPIERS
DE SISSONNE
A LEURS CAMARADES DECEDES

 

Recherches : J.F. Martin - M. Berriot

Mise en page : PH.

A suivre ...



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